Le terme de « pastourelle », issu de la langue d’oc pastorèla, désigne la « jeune bergère ».
Figure emblématique de l’imaginaire poétique, elle s’inscrit au cœur de l’expression des sentiments intimes et de l’exaltation des passions. Elle incarne à la fois la jeune fille à l’aube de son apprentissage — celui d’un métier comme celui de la vie —, symbole de candeur et de pureté, et, par la nature même de sa fonction, une figure de guidance, discrète mais essentielle.
À l’origine, la pastourelle relève du genre musical.
Au Moyen Âge, elle prend la forme d’un poème à la fois lyrique et dramatique, dans lequel le narrateur relate sa tentative de séduction auprès d’une bergère rencontrée dans le cadre bucolique de la campagne. Jusqu’à la fin du XIVᵉ siècle, la poésie lyrique demeure indissociable du chant : le poète se doit alors de composer conjointement la musique et les paroles, unissant étroitement la voix, le verbe et la mélodie.
Nées sous l’impulsion des troubadours occitans, ces compositions se diffusent progressivement vers le nord, où leur appellation se fixe en langue d’oïl sous le terme de « pastourelle ». Ces « pastourelles », ou « chansons de pastourelles », jouent fréquemment sur une double entente : à la légèreté apparente, presque naïve, d’un chant gai pouvant évoquer la comptine enfantine, se superpose un sens plus dissimulé, souvent grivois, destiné à un public adulte. L’action s’y déroule le plus souvent dans une atmosphère à la fois printanière et érotique, et la fonction du genre semble alors consister à exprimer le désir charnel masculin, la jeune bergère y tenant le rôle d’un fantasme pastoral et d’un objet de projection érotique.
Au XIIᵉ siècle, la pastourelle évolue pour devenir la pastorale, d’abord dans la musique baroque, puis dans la musique classique. De nombreux compositeurs ont ainsi créé des pastorales, œuvres littéraires, musicales ou picturales, dont les personnages sont des bergers et des bergères. De Mozart à Beethoven, des centaines de compositions musicales font écho aux pastourelles, comme Les Quatre Saisons de Vivaldi. Ces créations ont progressivement renouvelé et influencé la pastorale savante, inspirant par la suite les chansons de notre enfance et les contes de fées où princes et bergères se rencontrent et s’unissent. Nous reviendrons sur ce sujet un peu plus tard.
Par ailleurs, du début du XIXᵉ siècle jusqu’à la guerre, le quadrille — danse de bal et de salon comportant cinq figures — conserve l’une de ses figures sous le nom de « Pastourelle ».
La figure de la pastourelle perdure dans notre musique traditionnelle et se retrouve dans une multitude de chansons du folklore auvergnat contemporain. Le répertoire de musique traditionnelle en compte une quinzaine, parmi lesquelles : Valsez Pastourelles, Gentille Pastourelle, Ma Pastourelle, Pastourelle de printemps, Reine ou Pastourelle, Je suis une Pastourelle, ou encore La Grande Pastourelle (Bourrée du Berry).
Ces chansons traduisent à la fois des oppositions sociales — entre paysans et nobles — et culturelles — entre la culture française dominante et la culture occitane. Dans Gentille Pastourelle, par exemple, une chanson populaire en pays rouergat, un seigneur tente de séduire une jeune bergère et de la persuader de « laisser sa campagne » pour devenir sa « compagne » et « orner son château ».
Progressivement, le terme « pastourelle » est utilisé plus librement, et les titres de chansons évoquent des situations variées : Mon père avait six cents moutons, Je suis lasse d’être fille, Belle bergère, La Fille du Fermier, Sur le bord de la Rivière, Adieu fleur de ma jeunesse, Bonsoir mes moutons, etc.
Enfin, le contenu des chansons évolue également : elles célèbrent désormais l’amour du pays natal et la transmission d’un héritage traditionnel. C’est le cas de titres tels que Souvenirs de Villecomtal, Quand fleurit la gentiane, Le Pays des mille sources, Violettes d’Aubrac, Bonnes Grand-Mères de chez nous ou Le Chant du Cantalès. À travers elles, la pastourelle devient symbole de mémoire, de terroir et de continuité culturelle.
Par la suite, le terme « pastourelle » s’est étendu à de nombreux domaines, au-delà de sa fonction musicale et poétique. Le folklore, bien sûr, reste au cœur de son histoire. Presque toutes les régions françaises comptent des associations portant ce nom : la Société des Amateurs de Folklore et Arts Champenois, le groupe de musique traditionnelle La Pastourelle dans le Sud des Deux-Sèvres, Les Pastourelles de Campan,
membre de la Fédération Pyrénées, ou encore La Pastourelle, proposant des cours collectifs de danses bretonnes. Dans le Massif central, de nombreux groupes ont également adopté cette appellation, perpétuant la mémoire culturelle et musicale des pastourelles.
Mais le terme s’est aussi diffusé dans des univers très variés. Il désigne ainsi des événements sportifs, comme un célèbre trial créé en 2000 dans les Monts du Cantal autour de Salers. Il figure également dans le nom de lieux ou d’établissements : plages au Cap Ferret, pistes de ski dans les Alpes, gîtes ou restaurants, comme un établissement à Bormes-les-Mimosas.
Enfin, la pastourelle s’invite aussi dans la gastronomie : salade pastourelle du Rouergue, Les Pains de la Pastourelle, omelette ou potage pastourelle, œufs cocotte Pastourelle, Roquefort la Pastourelle, accompagnés d’un vin Pauillac baptisé « Pastourelle ». Ainsi, le terme s’est transformé en véritable symbole culturel, diffusé dans le patrimoine musical, festif, gastronomique et géographique français.